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Deuxième prédiction : l’islam. Avant même les attaques du 11 Septembre, Huntington prévoyait la résurgence du conflit millénaire entre l’islam et l’Occident. « Certains Occidentaux, comme le président Bill Clinton, soutiennent que l’Occident n’a pas de problèmes avec l’islam, mais seulement avec les extrémistes islamistes violents. Quatorze cents ans d’histoire démontrent le contraire », écrit Huntington, ajoutant : « Au XXe siècle, le conflit entre la démocratie libérale et le marxisme-léninisme n’est qu’un phénomène historique superficiel en comparaison des relations sans cesse tendues entre l’islam et le christianisme. » Il prédisait que celles-ci allaient s’accentuer au XXIe siècle, du fait du désir de revanche postcolonial des pays musulmans et des prétentions universalistes arrogantes de l’Occident.
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Troisième prédiction : l’immigration. « La démographie dicte le destin de l’histoire, les mouvements de population en sont le moteur, écrit Huntington. La question n’est pas de savoir si l’Europe sera islamisée ou l’Amérique hispanisée. La question est de savoir si l’Europe et l’Amérique deviendront des sociétés déchirées entre deux communautés distinctes et en grande partie opposées, appartenant à deux civilisations. (…) Une immigration importante ne peut que produire des pays divisés entre chrétiens et musulmans. » À la fin des années 1990, note Huntington, les dirigeants occidentaux sont conscients de la montée en puissance de la question migratoire et tentent d’y répondre (il cite notamment Jacques Chirac sur «le bruit et l’odeur» et les législatives françaises de 1993). À noter qu’il pèche par optimisme, puisqu’il pense que, « au total, au milieu des années 1990, les pays d’Europe occidentale s’acheminaient inexorablement vers une réduction considérable, voire vers une élimination totale de l’immigration de source non européenne ». Réaliste froid et rationnel, il avait sans doute sous-estimé le pouvoir d’intimidation idéologique de la gauche morale qui a pendant vingt ans diabolisé toute velléité de juguler les flux migratoires, au point que nous sommes aujourd’hui dans une situation bien pire que celle ébauchée dans les années 1990.
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Huntington s’est toujours défini comme un conservateur plutôt que comme un néoconservateur. Conservateur, c’est-à-dire adepte d’une anthropologie réaliste et tragique. Le conflit est inhérent à toute société humaine. L’utopie d’une humanité réconciliée et pacifiée est mensongère et dangereuse. L’abstraction humaniste d’un individu déraciné et interchangeable est fausse. Les besoins de l’homme ne sont pas que matériels mais aussi spirituels : « Ni Adam Smith ni Thomas Jefferson ne satisferont les besoins psychologiques, affectifs, moraux et sociaux des immigrants qui s’amassent dans les villes. » La diversité est bonne au niveau mondial, mortifère au niveau national. L’universalisme est un danger à l’extérieur, le multiculturalisme une menace à l’intérieur. Pour éviter que le choc des civilisations ne transforme le monde en guerre civile généralisée sans vainqueurs ni vaincus, il faut d’urgence prendre au sérieux ses avertissements.
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