Un rapport sénatorial qui dit tout
Si ces ministres en charge de la sécurité des Français veulent réellement agir, ils ont à leur disposition un rapport parlementaire tout chaud issu de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, créée à l’initiative du groupe Les Républicains, et qui s’est réunie à partir du 21 novembre 2023, rapport rédigé par Jérôme Durain (PS) et Étienne Blanc (LR) et consultable sur le site du Sénat, tout comme les différentes auditions. Samuel Martin avait fait ici même un état des lieux terrifiant des premiers constats, il y a un an.
Darmanin : un bilan négatif
La commission, qui avait auditionné le précédent ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait étrillé son action et ses opérations Place nette au « bilan décevant » et qui s’apparentent à « vider l’océan à la petite cuillère », tout comme « l’abandon » des territoires d’outre-mer où transite la drogue en provenance du continent américain. La commission avait aussi fait le constat que l'Union européenne, envahissante dans certains domaines, était, là, étrangement inopérante : « On s’est parfois demandé si l’Europe avait un numéro de téléphone », écrivent les rapporteurs.
Trois grandes préconisations
Les auteurs du rapport présentaient trois grands axes de lutte pour gagner la guerre contre le narcotrafic.
D'abord un changement copernicien dans l'appréhension du phénomène : « Faire preuve de lucidité sur la nature du narcotrafic et le traiter pour ce qu’il est : une menace pour les intérêts fondamentaux de la nation » avec, en ligne de mire, la perspective inquiétante de voir la France, ou tout au moins certains pans de son administration, devenir un narco-État.
Concrètement, il s'agirait de renforcer le renseignement et de « se donner les moyens de la sécurité dans les outre-mer, aujourd’hui sacrifiés, et dans les infrastructures portuaires et aéroportuaires ». Et, bien sûr, d'« endiguer la corruption liée au narcotrafic ».
Ensuite, faire de l'anti-Darmanin et « frapper le "haut du spectre" et ne pas limiter la lutte à des opérations d’ordre public de type "place nette" » mais, entre autres mesures, « taper les trafiquants au portefeuille en systématisant les enquêtes patrimoniales, en instaurant un gel judiciaire de leurs avoirs et en créant une confiscation sans condamnation pénale ». Avec, aussi, un recours « plus fréquent » à la présomption de blanchiment et la création d’une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée - une « enquête de patrimoine ». « Si une personne qui a un appartement, une grosse voiture ou des titres en Bourse ne peut pas démontrer qu’il les a acquis légalement, alors son patrimoine est confisqué », comme l'expliquait, sur France Info, le sénateur Étienne Blanc, ce samedi 2 novembre.
Un parquet national antistupéfiants
Enfin, les sénateurs proposaient de « structurer l’action des services en charge de la lutte contre le narcotrafic » en faisant de « l’Office antistupéfiants une véritable "DEA à la française" en lui donnant une pleine autorité sur les services de terrain chargés de la lutte contre le narcotrafic (police, gendarmerie et douane) » et en créant « un parquet national antistupéfiants pour spécialiser et incarner la lutte contre le narcotrafic dans la sphère judiciaire ».
Un projet qui trouverait une majorité
Le constat est clair, il est partagé par des sénateurs de gauche comme de droite ; l'opinion est également en train d'ouvrir les yeux et les mesures sont sur la table. Nul doute qu'une majorité se dégagerait aussi à l'Assemblée nationale, où le RN soutiendrait une loi de fermeté. Et les groupes qui hésiteraient seraient montrés du doigt. Il n'y a plus qu'à... Question de volonté et de courage.
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