vendredi 5 décembre 2025

« À quoi servez-vous ? » Le comité d’éthique de France TV auditionné à l’Assemblée

 

Christine Albanel. Capture écran Assemblée nationale
Christine Albanel. Capture écran Assemblée nationale
À l’Assemblée nationale, les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’audiovisuel public se poursuivent (voir notre article du 26 novembre). Ce jeudi 4 décembre au matin, ce sont le comité d’éthique et les médiateurs de France Télévisions qui étaient interrogés par la représentation nationale. Christine Albanel et Brigitte Benkemoun, respectivement présidente et membre du comité d’éthique, Jérôme Cathala et Gérarld Prufer, médiateurs de France Télévisions et des programmes de ses chaînes, répondaient aux questions.

C’est la question de l’affaire Legrand/Cohen qui a occupé la place centrale de cette séance de deux heures. En effet, le comité d’éthique présidé par l’ancien ministre de la Culture Christine Albanel est peu saisi. Constitué de quatre membres, tous bénévoles, le comité a une activité qui tourne au ralenti. « Pas un mauvais signe en soi », souligne sa présidente, qui semble interpréter cette léthargie comme une preuve de bonne santé.

Les entorses à l'honnêteté et à la neutralité

Le rapporteur UDR de la commission, Charles Alloncle, incisif comme à son habitude, souligne la disparité d’activité du comité d’éthique de France Télévisions qui n’a rendu, en cinq ans, que six avis, quand celui de Radio France en a rendu une trentaine. « Vous pensez qu’en cinq ans, France Télévisions s’est montrée irréprochable au point de vue de l’honnêteté, du pluralisme, de la neutralité ? », questionne le député de l’Hérault. Christine Albanel évoque un manque de notoriété et le manque de moyens permettant de mener des investigations.

Pourtant, lorsque le rapporteur déroule la longue liste non exhaustive des entorses graves relevées ces derniers temps, Christine Albanel reconnaît une légitime préoccupation : lorsqu’en janvier, France Info diffuse un bandeau « 200 otages palestiniens recouvrent la liberté », alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins de prisonniers condamnés pour terrorisme et antisémitisme ; lorsqu’en septembre, la journaliste Caroline Roux présente sur France 2 Matthieu Pigasse à l’antenne comme simple « chef d’entreprise », alors que l’homme qui faisait la une de Libération, en janvier, affirmait s’engager contre l’extrême droite. « Je veux mettre les médias que je contrôle dans ce combat », indiquait-il ; lorsque Jordan Bardella est comparé à Adolf Hitler sur le plateau de France 5. Des exemples « frappants », selon les mots de la présidente du comité d’éthique, qui s’avoue impuissante avec sa petite équipe.

« Vous ne servez à rien »

Malgré tout, le comité s’est autosaisi une seule fois. À l’occasion de l’affaire Cohen-Legrand. Soudainement, la petite équipe a su se mobiliser. Pour prendre la défense de Thomas Legrand, arguant ne pouvoir s’exprimer sur le fond et expliquant que le journaliste avait « reconnu lui-même [des] propos "maladroits" qui « revêtaient "une tournure malheureuse" ». Dans la mesure où aucun extrait ne contenait un propos de sa part, le comité lavait de tous soupçons Patrick Cohen : « Rien ne permet donc d’affirmer, au vu de cette séquence, qu’[il] ait d’autres objectifs que l’exercice de son métier ». Alors que dans son avis le comité évoquait une « séquence, au demeurant tronquée et montée », Charles Alloncle passe à l’offensive pour affirmer qu’un constat d’huissier a prouvé que les vidéos ne sont ni truquées ni montées. « L’intégral [de la séquence] n’a pas été demandé, vos postulats sont faux, quelle est la légitimité de votre décision ? », questionne le député ciottiste. En fin de séance, la députée RN du Pas-de Calais, Caroline Parmentier, charge : « Quelles sont les situations concrètes dans lesquelles vous avez réellement exercé un contre-pouvoir à France Télévisions ? Pouvez-vous nous citer une situation récente où votre comité a effectivement formulé un désaccord formel, une recommandation contraignante ou un avis critique à l’égard de la direction ? […] Je retire de vos déclarations que vous ne servez à rien, alors je vous le redemande très précisément : à quoi servez-vous ? » Bonne question, mais nous n'en saurons pas plus.

Yves-Marie Sévillia

https://www.bvoltaire.fr/a-quoi-servez-vous-le-comite-dethique-de-france-tv-auditionne-a-lassemblee/

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