lundi 29 juin 2020

Déboulonner l’histoire ?, par Gérard Leclerc.

Capture d’écran d’une vidéo montrant le déboulonnage de la statue de Junipero Serra à San Francisco.

© Twitter / @shane_bauer

Dans la grande vague actuelle de vandalisation des statues jugées insupportables en raison de leur rapport symbolique avec les pages sombres de l’histoire de nos nations, voici que la mémoire chrétienne se trouve aussi atteinte. En Californie, plusieurs statues de saint Junipero Serra, missionnaire ayant présidé à l’évangélisation de l’Ouest américain, ont été détruites. On s’en est même pris aux tombes du cimetière où il est inhumé. Pourquoi s’en prendre à une telle figure ? Est-ce tout simplement le fait d’avoir évangélisé les Indiens ?

Il est, en tout cas, difficile de prendre en faute ce religieux qui n’a cessé de démontrer sa sollicitude pour les populations locales, de les protéger de possibles agressions des militaires espagnols. Saint Junipero Serra n’est-il pas l’auteur d’une déclaration du droit des Indiens ? Ce seul exemple interroge sur la nature de la remise en question actuelle, avec sa frénésie iconoclaste et sa volonté d’ériger comme un vaste tribunal de l’Histoire.

S’il ne s’agissait que d’inviter à un meilleur discernement afin de mieux comprendre notre passé avec ses fautes mais aussi ses grandeurs, on ne pourrait qu’acquiescer, en se munissant toutefois de toutes les garanties nécessaires dans le domaine des sciences humaines. Malheureusement, on est obligé de constater que l’offensive actuelle se réclame d’une sorte de surenchère idéologique dangereuse, qui n’est pas seulement propre à la propagande politique. Elle trouve souvent son origine dans les universités de chez nous, qui ont subi la contagion américaine. Il y a quelques mois, nous l’avons déjà signalé, des universitaires de premier plan comme Pierre-André Taguieff et Dominique Schnapper ont signé un manifeste de mise en garde contre les déviations des études dites post-coloniales. Ce qui rend plus ambiguë la problématisation des questions concernant l’esclavage sous ses multiples formes et les diverses entreprises coloniales, c’est son imbrication avec les engagements militants actuels. Imbrication qui produit d’ailleurs, a contrario, alors qu’il s’agissait de dénoncer le racisme, une racialisation généralisée des rapports sociaux et politiques. On ne peut que redouter un emballement qui ne produira que des luttes civiles d’autant plus passionnelles qu’elles sont de nature identitaire.

Contagion à l’Église

En ce qui concerne l’Église elle-même, il convient de se garder d’une contagion qui pourrait avoir des effets de division et de rejet, qui atteindraient l’intégrité de la Tradition qui fonde la continuité et la substance de l’Institution voulue par le Christ. N’a-t-on pas déjà réclamé la décanonisation de Jean-Paul II et ne fait-on pas le procès historique de l’anti-féminisme ecclésial ? Il y a aussi risque de contagion de la vague de vandalisation sous ses aspects les plus pernicieux, avec transposition des catégories idéologiques qui détruisent les fondements mêmes de ce que le cardinal Newman appelait le développement de la doctrine chrétienne. 

http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2020/06/26/deboulonner-l-histoire-par-gerard-leclerc-6248126.html#more

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire