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La République historique a été fondée sur un mensonge consistant à passer pour un régime d’ordre alors qu’elle est de nature révolutionnaire et donc insurrectionnelle, affirme Guilhem Golfin, docteur en philosophie et auteur de Babylone et l'effacement de César (L'Homme Nouveau, 2019). Tribune.
Le quinquennat en cours se révèle chaque jour davantage une suite continuelle de crises. En quelques mois, nous sommes passés de l’Etat court-circuité par les cellules de l’Elysée à l’Etat répresseur de la France périphérique, à l’Etat désarmé devant une crise sanitaire sérieuse mais qui ne fut pas l’apocalypse prédite, à l’Etat démissionnaire devant les manifestations ethno-gauchistes importées d’Amérique et enfin à l’Etat impuissant face à des bandes de gangsters étrangers qu’il a laissées s’implanter sur le territoire. Avec cela, ce même Etat se fait comme jamais censeur de l’expression publique en rognant sur la loi de 1881. Le dévoiement des pouvoirs publics semble ainsi à son comble, et l’on attend avec crainte et tremblement les prochains événements.
Face à un tel désastre, le réflexe est de se tourner contre les dirigeants en fonction et d’incriminer leur incompétence, ainsi que leur corruption. Mais, aussi scandaleuse que soit l’actuelle gestion des affaires publiques, elle ne saurait tout expliquer. Nous sommes à tout le moins devant le résultat de décennies d’errements, qui ont conduit à un désordre sans précédent. Encore faut-il prendre la mesure exacte de ces errements. Et pour commencer, en sont-ils vraiment, ou bien au contraire une évolution en quelque sorte logique du régime républicain ?
La thèse qui prévaut largement chez les commentateurs de la vie politique est que les évolutions auxquelles nous assistons sont un dévoiement de la démocratie et de l’esprit républicain. Mai 68 est aussitôt mis en avant, comme déclencheur d’une post-modernité individualiste dans laquelle serait venu s’abîmer l’ordre antérieur.
Il est indéniable qu’il s’est produit en 68 une rupture sociologique. Mais cette rupture ne revêtait-elle pas une forme de nécessité ? Et les évolutions auxquelles nous assistons n’obéissent-elles pas en quelque sorte à une fatalité de la République ? Or, tel est à l’évidence le cas. Ce que vise la République, en effet, c’est l’émancipation intégrale de l’individu, sa libération la plus complète de tout ce qu’il perçoit comme une contrainte. C’est donc la désagrégation du corps social comme tel. Le telos qui anime la République est par nature anarchique : telle est la réalité de l’anthropologie qui le sous-tend. L’individualisme qui a gagné les mœurs n’est pas le fruit de circonstances malheureuses. L’effondrement du sens de l’Etat qui ne peut que s’en suivre non plus, par conséquent.
En vérité, la République historique a été fondée sur un mensonge : celui qui a consisté à passer pour un régime d’ordre, brevet acquis sur les morts de la Commune de 1870 et qui était nécessaire à son acceptation par les Français, alors qu’elle est de nature révolutionnaire et donc insurrectionnelle. L’un des pères spirituels de la République, le marquis de Sade, le disait déjà : « L’insurrection […] n’est point un état moral ; elle doit être pourtant l’état permanent d’une république ; il serait donc aussi absurde que dangereux d’exiger que ceux qui doivent maintenir le perpétuel ébranlement immoral de la machine fussent eux-mêmes des êtres très moraux, parce que l’état moral d’un homme est un état de paix et de tranquillité, au lieu que son état immoral est un état de mouvement perpétuel qui le rapproche de l’insurrection nécessaire, dans laquelle il faut que le républicain tienne toujours le gouvernement dont il est membre. »
Nous sommes désormais au bout de cette logique républicaine qui conduit à la démoralisation du peuple et donc à l’affaissement des institutions publiques au moment où l’absence de morale même élémentaire et l’incompétence qui ne peut que s’en suivre ont atteint le sommet de l’Etat et sans doute une large part de ses rouages. C’est pourquoi le désordre permanent auquel nous assistons n’a rien d’accidentel, car il est en vérité consubstantiel au régime républicain.
On voit aujourd’hui plus que jamais ce que cela signifie. Mais on se demande alors ce qui retient encore attachés à ce régime les Français, même les plus avisés et les plus lucides sur la débâcle actuelle.
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