Au moment où, à la suite des déclarations alarmistes de nos dirigeants, nos députés sont appelés à débattre sur la situation, l’heure sonne de réfléchir à l’état de nos forces.
A première vue, si nous faisons, par un plissement de la mappemonde glisser la carte du monde pour rendre Avdiivka en bordure de Strasbourg l’affaire semble pliée et la communication de monsieur Macron toujours portée sur les concepts et l’imagination le projette très bien.
Nous allons voir pourquoi, vouloir affronter la Russie est irréaliste dans le domaine des armes stratégiques puis conventionnelles et enfin, pourquoi ce scénario est irréaliste.
Au plan stratégique la comparaison de fait dans le domaine des armes défensives et des armes offensives.
Sur le plan défensif, le match est pour ainsi dire plié d’avance : La Russie possède la défense AA la plus dense du monde. La France 8 batteries de Samba, système équivalent à un S400 même si sa portée est plus faible en raison de vecteurs plus légers. Mais bon, pour cette discussion à haut niveau, nous accepterons cette quasi-équivalence des armes individuelles : Elles servent à couvrir un point sur la carte.
Côté russe, la couverture est limitée. Pour nous français, trop courte est une aimable fiction, notre défense relève, pardonnez-moi cette image du slip kangourou au Groenland.
Les Ukrainiens avec un mélange de S300, patriotes et autres systèmes fournit en quantités échantillonnaires par d’autres pays d’Europe interceptent des missiles de croisière au prix d'une dépenses considérable de munitions AA. Cet effort est hors de portée des moyens français, car cette stratégie met à sec, l'ensemble des stocks OTAN. On constate alors, que nos armes sont trop chères, produites en quantités insuffisantes et cette grave faute de conception de nos défenses mettra du temps à être corrigée.
Au plan stratégique, les Américains ont développé un système anti-missiles adapté pour intercepter les Missiles Balistiques Intercontinentaux (IBCM). Cette capacité, certes apparemment limitée à contraints les russes à moderniser leurs armes offensives.
Cette modernisation est incarnée par les Satan 2 Sarmat.
Sur le plan des armes offensives, les arsenaux russes et américains s’équilibrent plus ou moins. Les Sarmat ont été explicitement conçus comme une solution pour percer le système ABM (Antibalistic Missile) US. On peut gloser sur les prétentions de Moscou, mais jusqu'ici, elles ont à peu près tenu sur le terrain et la menace doit être considérée comme valide.
D’ailleurs, peut-être devrions-nous nous montrer un peu prudent sur nos performances fantasmées, car les Anglais ont récemment eu une série de mécomptes lors de leurs essais de missiles tridents.
Glissons et puisque Monsieur Macron s’interdit les lignes rouges ramenons le à la puissance brute. Les mots ont cet avantage que les scénarios ne tuent que les arbres. Alors quelle est la comparaison des facteurs de feu bruts ? La Russie peut survivre à une salve française, l’inverse face à un tir russe relève de l’impossibilité physique.
Notre défense était taillée pour rendre non rentable l'entrée d'un adversaire sur le territoire français. Si nous allons provoquer, surtout sur un sujet considéré comme vital par les Russes, alors les hypothèses de départ s'effondrent.
Je trouve un peu dommage de devoir rappeler ces faits qui pour moi, relevaient de l'évidence.
Avons-nous si peu conscience de notre situation militaire et des fondements de notre dissuasion ?
Alors, bien sûr monsieur Macron n’a peut-être pas conscience de ce fait, puisse cet article l’aider à le réaliser.
Pour lui, occupé à découvrir les petits soldats, l’idée de "jouer" avec des troupes dans une vraie guerre, l’idée peut-être tentante de se faire passer pour un homme d’État. Mais permettez-moi de rappeler un détail : Le général de Gaulle avait, pardonnez mon ironie, une légère, expérience militaire. Jacques Chirac avait été en Algérie. Même Mitterrand avait fait son service et savait de quel côté du fusil sortait la balle. Ils avaient donc une certaine compréhension des rapports de forces basée sur leur vécu, notre actuel dirigeant ne saurait prétendre à cette finesse.
On parle beaucoup des dividendes de la paix comme cause de la faillite constatée de la doctrine OTAN. Permettez-moi de nuancer. Certes, la comparaison de l’armée de 1989 et de 2021 est cruelle :
En 1989, l'Armée de terre est composée de trois « piliers » : la 1re armée et ses trois corps d'armée, la force d'action rapide et la défense opérationnelle du territoire. Ses effectifs atteignent 296 000 hommes[1].
En 2021 l’armée de terre compte 114 818 personnels[2], soit une baisse de 62% des effectifs.
Cette armée a été construite pour chasser du Djihadiste à des milliers de KM. Pour monter une opération commando, elle est très adaptée, et nos soldats maîtrisent nombre de compétences.
Pourtant, je vais me permettre de poser une autre comparaison. L’occident, faute de véritable adversaire s’est laissé dériver conceptuellement. Nous avons une approche fondée sur la chevalerie et le duel. En l’absence d’adversaire capable de nous menacer nous nous sommes laissé entraîner dans une logique de supériorité individuelle. Autrefois, celle-ci s’établissait par la cadence de tir des armes, ou par le recours à une source d’énergie plus dense (Comme le moteur de char qui permet à trois bonhommes d’emmener un canon lourd et du blindage). Seulement, (faillite des élites ?) L’occident n’est pas vraiment parvenu à générer un avantage de puissance. Alors, nous nous sommes réfugiés dans l’électronique promise à conférer un gain individuel.
Cette logique du duel et du preux chevalier appelé à dominer de son bras vaillant ses adversaires à échoué en Ukraine contre la doctrine militaire russe. Telle fut la conception de l’offensive de Robotnye ou les supers soldats formés par l’OTAN armés de merveilleux chars occidentaux ont redécouvert cette vérité immortelle : Le feu tue[3] !
Le plus grave est l’incapacité des chefs militaires de l’OTAN a réaliser cette faiblesse doctrinale grave !
La doctrine russe, héritière pour le coup de communisme revient à une approche beaucoup plus roturière. Combattre le nez dans la terre, pendant que les obus tirés de loin accablent les adversaires comme les flèches des archers anglais ont annihilés les preux chevaliers français pendant la guerre de cent ans.
Et sur ce plan, je dois donner raison à monsieur Macron : Vladimir Poutine les attaque, car le système russe justement est une vision populaire, roturière qui met à bas l’illusion d’une élite détentrice d’une suprématie quasi biologique ou divine. Dans la boue de Robotnye gît le premier de cordée rappelé à sa condition mortelle.
Seulement, permettez-moi, humble moujik, déplorable devant Marx (Eh oui, je ne crois pas), de me poser la question : Pourquoi dois-je sauver les illusions du pouvoir macroniste ?
Voila ce qui se joue, voulons-nous contribuer à notre propre servitude ou non ?
Alors, bien sûr, impossible de l’avouer et le macronisme, pour inciter le troupeau à le servir et l’enrôler dans sa croisade se met à agiter des peurs. Y croient-ils ? Avec Macron rien ne saurait-être exclu, mais comme toujours l’enjeu est de déminer les mensonges du narratif pour ceux qui souffrent d’une information insuffisante.
Nous avons vu que nos armées sont formées pour affronter du fort au faible des adversaires peu puissants au bout du monde. Malheureusement pour elles, la guerre d'Ukraine s’effectue sur un tout autre scénario :
Envoyer des soldats dans des tranchés, des avancées lentes et brutale préparées par des déluges d'Obus, pour tuer, ou assommer les défenseurs sous le feu.
Pour cela, il faut des tubes de canons, des munitions en quantités pléthoriques, tous scénarios dont l'armée française a oublié jusqu'à l'existence. Nous sommes équipés pour livrer une poignée d’obus par avions au milieu du sahel, les Russes livrent eux des munitions par trains entiers sur le front.
Au passage, cela vous montre que l’idée de voir les Russes envahir l’Europe est un non sens.
Ils ont eu besoin de tirer dix millions d’obus par an durant deux années de suite pour tuer un demi-million d’ukrainiens et probablement en mettre autant hors de combat.
L’OTAN est elle donnée pour trois millions de soldats[4], si on admet un million de soldats US, il reste deux millions d’hommes hors réservistes.
La Russie serait alors contrainte mobiliser trente millions d’obus et en dehors de les produire, elle devrait les conduire sur les champs de bataille européens. Imaginez le simple défi logistique représenté par un tel volume de matériel ? Surtout si vous considérez que les écartements sont différents : L’écartement soviétique est de 1524mm, l’européen est de 1435mm et au moment où les Baltes ont voulu se connecter, ils ont dû reconstruire un nouveau réseau[5]. Avant, ils devaient transborder les marchandises.
Imaginez-vous transporter trente millions d’obus de la frontière de Biélorussie au cœur de l’Europe ? Tout transborder, protéger ces milliers de kilomètres de lignes contre les attaques aériennes de l’OTAN dont c’est l’un des rares facteurs de forces encore valable.
Il suffirait pour mettre les Russes à l’arrêt de les empêcher de nous prendre les trains à l’écartement européen et tout serait pour ainsi dire terminé. La Russie peut déployer sa force en Ukraine car elle, pardonnez cette métaphore sportive, joue à domicile. A l’extérieur le niveau de difficulté augmenterais.
L’armée russe sera sûrement capable de déployer des brigades, mêmes des corps d’armée, mais son soutient limité dans le territoire européen la conduirait à se retrouver en grave infériorité numérique face au force de l’OTAN dont le potentiel humain est supérieur.
Le plus terrifiant est que ces faits sont de notoriété publique et que les militaires ont dû les expliquer aux décideurs, où alors, la lâcheté intellectuelle dans les cercles dirigeants de nos forces est grave. Je préfère croire nos responsables politiques incapable de comprendre les hommes en uniforme.
Les amateurs étudient la tactique, les professionnels la logistique et comme l’avait dit monsieur Macron : Soyez fier d’être des amateurs ! Au moins cette promesse fut tenue.
Donc quelles conclusions tirer : Oui, l’OTAN commandée par des imbéciles davantage engagées dans l’Idéologie. Je présente mes excuses aux imbéciles non employés par l’OTAN, je ne voulais pas les insulter, ses armées sont largement inadaptées, pourtant, les lourdeurs intrinsèques de l’outil militaire russes l’empêchent de nourrir l’espoir de conquérir l’Europe dans un délai raisonnable.
Cette puissance qui broie l’armée ukrainienne, de par son empreinte logistique qui la rend irrésistible là, où elle peut se déployer, elle ne peut se projeter.
Alors, sachons raison garder et arrêtons l’hystérie.
[3] Et dire que je déteste Pétain, mais c’est l’une des rares phrases intelligentes que je lui reconnais.
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