Nicolas Faure : L’Allemagne est en tête du peloton mondial en matière d’impôts et de charges sociales. Le SPD au pouvoir tente de financer sa politique en instaurant toujours plus de taxes. Une réforme fiscale de fond semble plus que nécessaire. Quelles mesures devraient être prises dans le cadre d’une telle réforme ?
Kay Gottschalk :
Mon parti défend une réforme fondamentale du système fiscal. Le grand projet de réforme fiscale formulé et calculé par Paul Kirchhof, professeur de droit fiscal et ancien juge constitutionnel, est un bon exemple d’une telle réforme fiscale en profondeur. Cette réforme prévoit une baisse des taux d’imposition, un élargissement de l’assiette fiscale et une réduction des formes d’imposition. Ainsi, la taxe foncière et la taxe professionnelle pourraient être supprimées, tandis que les principaux types d’impôt, à savoir l’impôt sur le revenu et la taxe sur le chiffre d’affaires, seraient conservés. De même, certains droits d’accises à faible rendement pourraient être supprimés au niveau fédéral, comme la taxe sur les spiritueux et la taxe sur le café.
Au niveau des Länder, il faudrait notamment supprimer l’impôt sur la bière et, au niveau communal entre autres, l’impôt sur tout ce qui a trait aux divertissements, l’impôt sur les licences de débit de boissons, l’impôt sur la chasse et la pêche et l’impôt sur les résidences secondaires. Toutes ces taxes ont en commun d’être complexes à appliquer et de générer peu de recettes. Elles ne contribuent pas de manière significative à l’équilibre budgétaire de l’État.
Au contraire, ces impôts rendent les structures fiscales opaques et imposent aux citoyens des formalités administratives inutiles alimentant le ressentiment du citoyen à l’égard de l’État.
Le système fiscal souhaité par le groupe de travail de l’AfD « Finances » doit libérer les activités économiques des barrières juridiques et de la tutelle de l’État, et faciliter ainsi la gestion de ce dernier. L’imposition doit être lisible, explicite et transparente. La simplification de la législation fiscale garantit l’égalité devant la loi, l’intelligibilité du droit, et la prédictibilité du comportement individuel des citoyens et des entreprises.
Nicolas Faure : Les parents qui ont et élèvent des enfants sont sujets à des frais de vie plus élevés que les parents sans enfants, ce qui n’est pas pris en compte de manière adéquate dans le système fiscal actuel. Faut-il introduire un quotient familial en Allemagne ? Comment et pourquoi ?
Kay Gottschalk :
L’AfD conçoit le quotient (splitting) familial comme un complément du splitting conjugal (système d’imposition séparée des revenus d’un couple marié).
Jusqu’à un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale en 1957, les conjoints étaient désavantagés de manière discriminatoire par le barème progressif par rapport à deux personnes non mariées. Suite à cet arrêt, le « Ehegattensplitting » a été introduit. Cela signifie que les revenus des deux époux continuent à être cumulés, mais qu’ils sont ensuite imputés pour moitié à chacun des époux et que le barème de l’impôt sur le revenu est appliqué aux deux montants fractionnés. Le splitting conjugal conçoit le mariage comme une communauté de travail et de consommation, protégée par l’article 6 de la Loi fondamentale. Il ne s’agit donc pas d’un avantage fiscal, contrairement à la polémique qui a parfois eu cours.
Depuis son programme politique, le parti travaille sur le thème des aides aux familles avec le splitting familial. L’étude détaillée du concept de splitting familial – inspiré du système français – montre, en comparaison avec la réglementation fiscale allemande actuelle, que l’aide matérielle aux familles est moins favorable que dans le système des abattements de base et des abattements pour les enfants.
Sur la base de calculs comparatifs relatifs à des configurations de cas type, le groupe de travail Finances en arrive à la conclusion qu’il faut, le cas échéant, continuer à développer le système actuel d’abattements, sans pour autant abandonner les avantages actuels par rapport au splitting familial. L’objectif devrait être d’alléger la charge fiscale des familles à revenus faibles ou moyens dans la mesure du possible.
Nicolas Faure : Le fédéralisme et l’autonomie doivent-ils être renforcés en Allemagne ? Dans quelle mesure ?
Kay Gottschalk :
La réponse est oui. L’AfD est favorable à des collectivités territoriales autonomes et solides. Nous souhaitons faciliter l’autonomie régionale et locale et garantir la subsidiarité, afin que les spécificités et les particularités régionales puissent être préservées. Contrairement à la France, l’Allemagne a toujours été un État fédéral. Nous tenons à redonner plus de poids au fédéralisme.
La péréquation financière entre les Länder doit être révisée de manière à ce que les Länder récipiendaires ne soient pas mieux lotis que les Länder dispensateurs après l’octroi de prestations de compensation. L’AfD s’engage à réorganiser les finances fédérales et régionales afin de mettre un terme aux conflits de compétences, et pour définir clairement les responsabilités. L’État fédéral, les Länder et les communes ont besoin de sources de financement propres, à partir desquelles ils puissent financer de manière autonome leur activité. Une répartition claire des tâches doit permettre la concurrence entre les Länder. Nous revendiquons des Länder et des communes autonomes, qui doivent également pouvoir être insolvables en soi. Comme au niveau européen, nous sommes ici favorables à la clause de non-assistance, de sorte que les programmes de sauvetage de l’État fédéral pour les communes ou les Länder surendettés soient proscrits.
Nicolas Faure : L’AfD entend introduire une taxe numérique pour les entreprises du secteur technologique. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?
Kay Gottschalk :
Je dois vous contredire sur ce point. L’AfD s’oppose à l’introduction d’une taxe sur les transactions financières et sur le numérique. Le projet de l’Union européenne d’introduire une taxe sur les transactions financières et une taxe numérique en tant que sources de revenus propres à l’UE doit être écarté, comme nous l’avons expliqué précédemment. Les deux taxes doivent également être rejetées pour des raisons économiques : elles ne sont pas compatibles avec le marché intérieur :
◦ Pour les transactions financières, la France et l’Allemagne envisagent – sur le modèle de la taxe existant en France depuis 2012 – de prélever une taxe de 0,2 % sur les transactions boursières, qui s’appliquerait à l’acquisition d’actions de sociétés ayant leur siège dans l’UE et dont la capitalisation boursière est supérieure à un milliard d’euros. Les transactions effectuées durant une journée ne seraient pas imposées, de sorte qu’une grande partie du trading haute fréquence ne serait finalement pas soumise à l’impôt. La taxe touche ainsi principalement les épargnants, et plus précisément les petits investisseurs. La crise financière des années 2008/2009 a montré que pour garantir la stabilité financière, la constitution de fonds propres par les particuliers et les entreprises était par ailleurs plus que souhaitable. Il semble donc préoccupant que la taxation des transactions financières porte spécifiquement sur des instruments de capitaux propres tels que les actions. Leur imposition peut avoir des effets négatifs sur la constitution de la prévoyance vieillesse et du patrimoine et déclencher des réactions de fuite vers les capitaux étrangers.
◦ Avec la taxe numérique, l’UE veut obliger les États membres à prélever un impôt séparé sur certains revenus générés par la fourniture de services numériques. Il s’agit d’inclure les revenus provenant du placement de publicités sur une interface numérique, de la mise à disposition de plateformes et de la vente de données clients. La taxe romprait avec l’ordre juridique international existant en matière d’imposition des entreprises. Son introduction constituerait un changement de paradigme car d’une part, les revenus bruts seraient soumis à un impôt sur les bénéfices et d’autre part, l’imposition des bénéfices se ferait dans l’État où la prestation est fournie.
Il est plus que douteux que le gouvernement fédéral puisse approuver au niveau de l’UE des directives qui reposent sur une compétence législative usurpée de l’UE. Une réglementation nationale de mise en œuvre serait à cet égard illégale.
Interview réalisée et traduite par Nicolas Faure pour Résistance Républicaine
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