Dans la mort de Nahel M., les plus hautes autorités de l’Etat ont désigné un coupable unique, Florian M, le policier auteur du tir. Celui-ci aurait transgressé la loi, en tirant de façon « inexplicable » et « inexcusable » sur le chauffard.
Mais selon une grande partie des médias de masse, c’est toute la police française qui serait coupable d’intervenir trop brutalement, par incompétence, par racisme ou à cause de la loi de 2017, trop favorable aux policiers en cas de refus d’obtempérer routiers.
La thèse gouvernementale de la responsabilité personnelle ne pourra être vérifiée ou infirmée que dans un avenir lointain par la justice – dont il faut espérer qu’elle sera rendue de façon réellement impartiale.
La thèse médiatique de la responsabilité collective de la police peut être écartée dès maintenant, car nous disposons de statistiques fiables sur le sujet.
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Il n’y a pas d’augmentation du nombre de tirs de la police sur des véhicules ou des conducteurs en situation de refus d’obtempérer. Selon les données officielles tirées des rapports annuels de l’IGPN, il y a eu 137 tirs de ce type en 2016, 202 en 2017, 170 en 2018, 147 en 2019, 153 en 2020, 157 en 2021, 138 en 2022. Une stabilité globale d’autant plus remarquable que les refus d’obtempérer sont eux en augmentation sensible : 27 206 refus d’obtempérer en 2021 contre 22 792 en 2017.
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Il n’y a pas non plus d’explosion des tirs mortels dans ce type de situation. L’IGPN a recensé dans cette catégorie 1 décès en 2020, 2 en 2021, des chiffres infimes par rapport au phénomène de masse que représente cette forme de délinquance routière.
En 2022, le chiffre des décès est monté à 13, une statistique abondamment citée dans les médias, mais c’est une année qui n’est pas très représentative. Sur les 6 premiers mois de l’année 2023, on retombe à 3 morts, en comptant celle de Nahel M. Donc une petite augmentation, rien de plus.
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Ce sont les délinquants routiers qui sont de plus en plus violents : Sur les 27 206 refus d’obtempérer de 2021, 5 247 étaient particulièrement graves, avec un risque d’engendrer un accident pour des passants ou des policiers. C’est en nette augmentation : plus du double par rapport à 2012. C’est peut-être l’explication principale de la petite augmentation du nombre de tirs mortels : les interventions policières font face à des conducteurs de plus en plus dangereux.
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La police française continue à se classer parmi les polices les moins violentes du monde : avec 32 morts en 2021 toutes causes confondues dans le cadre d’une activité policière, la France se rapproche davantage des pays asiatiques hautement civilisés (0 mort au Japon) que des USA (1010 décès pour les seuls tirs policiers par balles) ou que des pays d’Amérique du Sud (plusieurs milliers de morts par balles policières chaque année au Mexique, Brésil, Venezuela).
Quant aux pays d’Afrique et du Moyen Orient, la situation policière y est plus variée. En ce qui concerne l’Algérie, il est peu probable que la police ou la société y ait été plus clémente avec un délinquant routier. De toute façon, on se tient toujours mieux au bled…
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Comparée aux autres pays d’Europe occidentale, la France fait moins bonne figure, mais pas dans des proportions énormes et inexplicables.
L’Allemagne est ainsi citée en exemple par le sociologue médiatique Sébastien Roché qui prétend (sur la base de données non officielles) qu’en 10 ans il n’y aurait eu chez nos voisins qu’un seul tir mortel dans le cadre d’un refus d’obtempérer routier. Et il est vrai plus généralement que la police allemande est environ 2 fois moins meurtrière que la française (en tenant compte de la population).
Mais pour pouvoir comparer honnêtement les deux situations, il faudrait aussi connaître le nombre de délits routiers violents dans chacun des deux pays et tenir compte du contexte sécuritaire beaucoup plus dégradé de ce côté-ci du Rhin. Les policiers français sont devenus des cibles légitimes pour les terroristes islamistes et pour la jeunesse délinquante. L’Allemagne n’en est pas là, du moins pas encore.
A.T.
2022, 13 tirs mortels pour refus d’obtempérer : que sait-on des circonstances ?
D’après les données du site antiflic Bastamag, les tirs mortels ont lieu après des refus de se faire contrôler, les policiers estimant de plus que le conducteur met en danger leur vie ou celle d’autrui. Ces affirmations de la police sont parfois contestées.
Parmi les faits avérés ou allégués par la police :
– 2 des tués étaient armés
– 4 autres tués étaient à bord d’un véhicule volé
– 4 autres encore ont été tués en marge d’un trafic de stupéfiants (dans un des véhicules, on a trouvé 111 kg de cocaïne)
– 1 autre tué était dans une camionnette impliquée, selon les déclarations policières, dans un trafic de migrants
– Sur les 13, on connaît le prénom de 7 : les 7 prénoms appartiennent à la tradition islamique.
A.T.
Photo d’illustration : DR
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