dimanche 22 décembre 2024

Les « faillis du Pouvoir » : bâtons de maréchal des uns, machiavélisme des autres

 

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Entretien avec Philippe Randa, directeur du site de la réinformation européenne Eurolibertés.

(Propos recueillis par Guirec Sèvres) 

Emmanuel Macron avait tardé à remplacer Michel Barnier, puis tardé à nommer son successeur François Bayrou dont il ne semblait pas vouloir et qui lui-même, à deux jours de Noël, a des difficultés à former son gouvernement ; tout cela n’augure rien de bon pour retrouver une stabilité politique…

C’est le moins qu’on puisse dire, mais ce n’est finalement que l’aboutissement du long délitement de « l’esprit » de la Ve République, voulu par le général De Gaulle. Déjà, les différentes cohabitations entre UMP et PS au siècle dernier étaient contraires à cet esprit, mais comme l’un et l’autre faisaient peu ou prou la même politique et qu’ils agitaient habilement l’épouvantail Front national pour détourner l’attention, cela a fonctionné… jusqu’au jour où la candidature d’Emmanuel Macron, surfant sur l’impopularité de François Hollande, après son quinquennat minable, a empêché celui-ci de se représenter en tant que candidat naturel de la gauche ; quant au candidat naturel de la droite François Fillon, il n’a pas eu la carrure, comme on l’a vu, de surmonter les coups bas de la campagne électorale de 2017. Marine Le Pen s’est alors qualifiée pour le second tour de justesse devant Jean-Luc Mélenchon, tout comme cinq ans plus tard en 2022, améliorant son score sans réussir à entrer à l’Élysée… La situation ne cessant depuis de se dégrader, assez dramatiquement en ce qui concerne le niveau de vie des Français et l’insécurité, ex-UMPS et macronistes ont perdus ce qu’il leur restait de crédibilité et d’honneur dans l’Opinion publique… Il est logique alors que ceux que tous ces « faillis du Pouvoir » nomment les « extrêmes » – la France insoumise et le Rassemblement national qui n’ont pas exercé le Pouvoir et n’ont de ce fait aucune responsabilité dans la situation – conservent, la confiance de son électorat pour LFI et gagne un nombre conséquent d’électeurs pour le RN, devenu le premier parti de France.

Cela n’explique pas les difficultés à former un gouvernement et une alliance, même contre nature, de ces « faillis du pouvoir » comme vous les nommez…

Le monde politique français, tous partis confondus, n’a qu’une obsession : la future élection présidentielle en 2027, voire plus tôt en cas de démission d’Emmanuel Macron… François Bayrou, Laurent Vauquiez, Gabriel Attal, Edouard Philippe, Olivier Faure et autres – candidats potentiels à la Fonction Suprême parmi les « faillis du Pouvoir » – appliquent encore et toujours leur unique logiciel que la peur des « extrêmes » sera suffisante pour que l’un d’eux l’emporte. Et si Marine Le Pen devait arriver au Pouvoir, ils restent persuadés qu’elle ne pourrait rien faire ; ils auraient alors beau jeu de marteler : « Vous l’avez voulue ? Vous voyez le résultat ! »… C’était sans doute le scénario imaginé par Emmanuel Macron lorsqu’il a décidé la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, incompréhensible sinon.

Mais son machiavélisme a fait long feu…

Oui, car tous les « faillis du pouvoir », son propre camp en tête, a appelé à voter pour les candidats LFI contre ceux du RN… D’où l’actuelle situation inextricable. Car s’il y a les ambitions personnelles des uns pour l’élection présidentielle, il y a également les ambitions personnelles de ceux qui n’espèrent qu’un marocain ministériel, aussi éphémère soit-il, mais qui satisfera autant leur ego – ils auront été ministre – qu’arrondira leurs retraites futures… C’est « eux dans le déluge actuel » et après eux, ce sera toujours le déluge, mais dont ils auront profité autant qu’ils auront pu. Voyez Bruno Lemaire : à peine a-t-il quitté le ministère de l’économie à Bercy en laissant un passif de 3 000 milliards de dettes qu’il a fait don de sa personne à la Suisse pour y « enseigner les politiques publiques et la géopolitique »… Si « les cons, ça ose tout », disait Michel Audiard, à l’évidence les « faillis du Pouvoir se permettent tout »… Pourquoi se gêneraient-ils, d’ailleurs ? 

Au cas où François Bayrou ne parviendrait pas à former de gouvernement… ou s’il était censuré comme celui de son prédécesseur à peine formé, que se passerait-il alors ?

Il parviendra sans doute à en former un et tentera de « tenir » aussi longtemps que possible, ne serait-ce que pour « durer » davantage que Michel Barnier… À l’âge de François Bayrou et même s’il peut toujours espérer un miracle, soit une circonstance exceptionnelle quelconque qui le fasse accéder à l’Élysée, on peut imaginer qu’il adapte ses ambitions au jour le jour… Une fin de carrière de « Premier ministre » est un bâton de maréchal qui en vaut bien d’autres… Mais le scénario de permettre à Marine Le Pen ou à un autre candidat éventuel du Rassemblement national d’accéder au Pouvoir avec la certitude de son échec rapide, reste toujours d’actualité. Emmanuel Macron peut encore l’espérer, tout comme d’autres candidats potentiels à la fonction suprême… et Jean-Luc Mélenchon, qui a changé ses plans d’accéder par les urnes au Pouvoir, l’espère sans doute tout autant, mais lui en envisageant d’y répliquer immédiatement en fomentant une insurrection dans la rue… seule manière pour lui désormais d’entrer à l’Élysée, fusse en djellaba et keffieh orné d’une étoile rouge. Autrefois, Paris valait bien une messe ; de nos jours, pourquoi pas une soumission !

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