jeudi 12 décembre 2024

"Une centaine de Français"...

 

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Chacun voit midi à sa porte. Et les événements internationaux sont présentés à l'opinion, déformés, sincèrement ou à dessein, par le prisme de considérations locales.

Dans nos pays européens, malgré toutes sortes d'avancées vers une conscience civique commune, la presse et les médias audio-visuels, sans même parler des réseaux, ne semblent toujours pas en mesure d'intéresser le public, encore moins de l'informer s'agissant de ce qui se passe chez le voisin. Alors... quand il s'agit de la Syrie...

Le temps est évidemment bien loin où nos grands-parents s'étant fait trouer la peau en partie pour cela, la France victorieuse s'était assignée pour tâche, au Proche Orient, d'exercer un mandat sur ce qu'on appelait les échelles du Levant, aussi bien le Liban qu'un territoire décomposé façon puzzle en djebel Druze, en djebel Alaouite, en sandjak d'Alexandrette, province d'Alep, etc. : la Syrie. C'est en 1943 que De Gaulle y entame le processus que l'on appellera plus tard, notamment à partir de la conférence de Yalta de 1945, la décolonisation. Oublié !, le traité de Sèvres, si tant est que l'on s'en soit soucié un jour. Le glorieux Clemenceau, le « premier flic de France » devenu « Père la Victoire » avait entériné, sans les avoir lues, les clauses de ce partage qui donnaient aux Français les minorités chrétiennes et aux Anglais les puits de pétrole. Je sais, on va dire que je résume trop vite.

Après des années d'irresponsabilité française face au régime de Damas et à la guerre civile déclenchée en 2011 les médias, qui ne s'en préoccupaient guère, découvrent le problème syrien, le régime s'étant effondré le 9 décembre.

Dans presque toute l'Europe, cette question est regardée sous l'angle de la question migratoire. Cette « chance pour la France » n'est pas perçue pour telle dans la majorité des États-Membres de l'Union européenne : quel dommage ! Manque d'informations sans doute, dans des contrées où le service public de l'audiovisuel n'est pas assez subventionné.

C'est dans le même esprit, sans doute, que le procureur national antiterroriste Olivier Christen, interrogé sur RTL ce 10 décembre, croyait pouvoir mettre en garde contre les conséquences prévisibles du retour dans l'Hexagone de la « centaine de Français » issus du fief des « djihadistes » d’Idleb. Le lendemain Eric Ciotti parlait, le lendemain 11 décembre sur la même antenne, de quelques 200 individus.

Selon le procureur national antiterroriste, « sur les 1 500 Français » partis faire le jihad dans les années 2000, 390 sont revenus en France, 500 sont décédés, « une grosse centaine » était dans la poche d’Idleb, « environ 150 » étaient détenus ou retenus dans le nord-est syrien et en Irak et 300 sont « disparus ». Parlant d'une « menace à un niveau élevé », précise quand même Olivier Christen : « Il y en a qui probablement ont rejoint des rangs de façon clandestine mais pour l’instant, il n’y a pas de trace immédiate ». Est-ce plus rassurant ?

Mais, comme rappelé plus haut, chacun voit midi à sa porte. Et à Ankara on célèbre les événements de Syrie comme la victoire d'Erdogan, présenté comme le « conquérant de la Syrie ». L'horreur du régime de Damas, la corruption de la famille Assad, les prisons baasisteσ, ce n'est pas cela qui intéresse le parti AKP qui gouverne à Ankara depuis un quart de siècle et qui marche sur les traces des 47 ans de son homologue du sud. Ce qui le préoccupe c'est de régler leur compte aux Kurdes de la Rojava. Et de faire célébrer le chef suprême par la Fondation de la Jeunesse de Turquie, TÜGVA, cette organisation financée par le gouvernement et dirigée par Bilal, fils d'Erdogan. Le message publié sur la plateforme de médias sociaux X est sans nuance ni périphrase : « Quand l’histoire se souviendra de toi, tout le monde reconnaîtra ta grandeur, ô puissant dirigeant, conquérant de la Syrie, Recep Tayyip Erdogan. »

La photo d'Erdogan est bien visible, accrochée sur les murs du quartier général de l'Armée nationale syrienne, un groupe financé et soutenu par la Turquie.

Oui, chacun voit midi à sa porte. Nous gagnerions à balayer devant la nôtre.

JG Malliarakis 

https://www.insolent.fr/2024/12/-une-centaine-de-francais.html

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